Méthodologie

Contexte

Depuis 2004, le réseau des Stratégies concer­tées éla­bore des cadres de réfé­rence pour la pro­mo­tion de la santé sexuelle et la pré­ven­tion des IST/VIH/VHC en Région de Bruxelles-Capitale et en Wallonie. Ce tra­vail col­lec­tif per­met l’identification en com­mun de prio­ri­tés, mesures et actions concrètes. L’objectif est d’améliorer la pro­mo­tion de la santé sexuelle et de favo­ri­ser son inté­gra­tion dans les sys­tèmes de santé. Il repose sur des cycles de deux années orga­ni­sés en deux étapes : le diag­nos­tic (iden­ti­fi­ca­tion d’un public et d’une prio­ri­té) et la planification.

Ces cycles ont donné lieu à des publi­ca­tions autour de dif­fé­rents publics : popu­la­tion géné­rale, jeunes, hommes ayant des rap­ports sexuels avec des hommes, usager·es de drogue, travailleur·euses du sexe, popu­la­tions migrantes d’Afrique sub­sa­ha­rienne etc.

Ancrage méthodologique

Après plu­sieurs années de mise en œuvre de cycles de pro­jet, le CPAM a sou­hai­té ques­tion­ner sa métho­do­lo­gie de tra­vail afin de répondre à de nou­veaux enjeux et d’améliorer l’inclusivité des dif­fé­rents publics concer­nés. Il s’agissait de favo­ri­ser une approche plus trans­ver­sale dans l’identification des thé­ma­tiques prio­ri­taires et de conso­li­der la démarche bottom-up en impli­quant davan­tage le CPAM et les « publics cibles », et ce, aux dif­fé­rentes étapes du pro­ces­sus. Cette métho­do­lo­gie modi­fiée et sim­pli­fiée hérite de deux grands apports théoriques :

L’apport du modèle PRECEDE-PROCEED de Green et Kreuter

Le modèle de pla­ni­fi­ca­tion pro­po­sé et adap­té à la pro­blé­ma­tique des Stratégies concer­tées est le modèle PRECEDE-PROCEED de Green et Kreuter (2005). Celui-ci per­met d’analyser une pro­blé­ma­tique de santé (phase PRECEDE) en tenant compte de sa nature mul­ti­fac­to­rielle et en clas­sant les déter­mi­nants qui contri­buent à cette pro­blé­ma­tique en caté­go­ries : les com­por­te­ments (les pra­tiques), l’éducation, l’environnement, le domaine poli­tique et admi­nis­tra­tif, et les variables socio­dé­mo­gra­phiques. À par­tir de l’analyse de situa­tion et dans une même vision sys­té­mique, la pla­ni­fi­ca­tion (phase PROCEED) consiste à déter­mi­ner les objec­tifs et à iden­ti­fier les acti­vi­tés per­ti­nentes pour agir sur les com­por­te­ments, l’environnement et les fac­teurs sociaux. Les acti­vi­tés ainsi iden­ti­fiées sont donc néces­sai­re­ment mul­ti­di­men­sion­nelles et multisectorielles.

La phase d’analyse de situa­tion (PRECEDE) se déroule selon les étapes sui­vantes : Pour le public cible consi­dé­ré, un diag­nos­tic épi­dé­mio­lo­gique et social est réa­li­sé en recen­sant les don­nées scien­ti­fiques et les obser­va­tions de ter­rain dis­po­nibles. La for­mu­la­tion de la pro­blé­ma­tique est réa­li­sée sur la base d’un consen­sus en rete­nant et en syn­thé­ti­sant les variables les plus per­ti­nentes du diag­nos­tic socio-épidémiologique effec­tué par les membres du CPAM. Une fois la pro­blé­ma­tique arrê­tée, les acteurs concer­nés et leurs pra­tiques sont iden­ti­fiés et réper­to­riés dans le diag­nos­tic com­por­te­men­tal. Il s’agit du « public cible » (avec éven­tuel­le­ment ses sous-catégories). Peuvent être ajou­tés les acteurs qui ont, direc­te­ment ou indi­rec­te­ment, des inter­ac­tions avec ce public et/ou avec la problématique.

La phase de pla­ni­fi­ca­tion (PROCEED) consiste à construire – grâce à l’outil du cadre logique et à par­tir de l’analyse de situa­tion – un plan opé­ra­tion­nel qui défi­nit les stra­té­gies d’intervention pri­vi­lé­giées, les objec­tifs visés et les acti­vi­tés à mettre en œuvre. Pour le public cible consi­dé­ré, un objec­tif spé­ci­fique est défi­ni à par­tir de la pro­blé­ma­tique. Cet objec­tif spé­ci­fique consti­tue le cadre glo­bal et la fina­li­té géné­rale et durable du plan opé­ra­tion­nel. La des­crip­tion des com­por­te­ments et des pra­tiques des acteurs per­met de for­mu­ler des objec­tifs opé­ra­tion­nels. Ceux-ci répondent donc à un ou à des pro­blèmes iden­ti­fiés dans le diag­nos­tic com­por­te­men­tal. Des acti­vi­tés édu­ca­tion­nelles, envi­ron­ne­men­tales et ins­ti­tu­tion­nelles sont défi­nies à par­tir des fac­teurs cor­res­pon­dants dans l’analyse de situa­tion. Ces acti­vi­tés visent à modi­fier les déter­mi­nants, et donc in fine les com­por­te­ments, afin d’atteindre les objec­tifs opé­ra­tion­nels. Les acti­vi­tés consti­tuent la part la plus concrète du plan opé­ra­tion­nel puisqu’elles sont des­ti­nées à être mises en œuvre avec des moyens adé­quats. Dans la phase de pla­ni­fi­ca­tion, des cri­tères et des indi­ca­teurs d’évaluation des objec­tifs et des acti­vi­tés doivent être défi­nis, ainsi que les sources d’information dis­po­nibles pour recueillir des don­nées d’évaluation. L’analyse de situa­tion est donc à la base du tra­vail d’opérationnalisation.

L’apport du modèle de gestion de cycle de projet

La méthode de pla­ni­fi­ca­tion mobi­li­sée dans le cadre des stra­té­gies concer­tées repose éga­le­ment sur le modèle de ges­tion de cycle de pro­jet. Ce modèle défi­nit en effet les étapes logiques d’un pro­gramme de pro­mo­tion de la santé (voir figure 1), à savoir : l’analyse de la situa­tion ; l’élaboration d’un cadre d’action (plan opé­ra­tion­nel) ; l’identification et l’allocation des res­sources (dont la bud­gé­ti­sa­tion) ; la dif­fu­sion ; et l’évaluation. 

L’apport des démarches participatives aux Stratégies concertées

Pour l’OMS1, les indi­vi­dus jouent un rôle cen­tral dans l’a­mé­lio­ra­tion de leur propre santé. La par­ti­ci­pa­tion com­mu­nau­taire, et en par­ti­cu­lier les com­mu­nau­tés qui tra­vaillent avec les ser­vices de santé, est essen­tielle pour atteindre les objec­tifs de la stra­té­gie mon­diale pour la santé2.

Le cycle des Stratégies concer­tées et en par­ti­cu­lier la méthode de diag­nos­tic et de pla­ni­fi­ca­tion reposent éga­le­ment sur la par­ti­ci­pa­tion d’acteur·rices repré­sen­ta­tifs concer­nés par pro­blé­ma­tique à tra­vers l’organisation d’ateliers aux­quels prennent part les professionnel·les du sec­teur de pré­ven­tion des IST/VIH/VHC, les chercheur·ses et acteur·rices psycho-médico-sociaux.

Ces ate­liers sont consa­crés aux phases d’analyse de situa­tion (diag­nos­tic) et de défi­ni­tion des prio­ri­tés et stra­té­gies à venir (pla­ni­fi­ca­tion). Ce pro­ces­sus métho­do­lo­gique per­met de conso­li­der la démarche bottom-up du cycle des Stratégies concer­tées et d’améliorer l’adhésion des acteur·rices concerné·es

Cette orien­ta­tion métho­do­lo­gique vise à garan­tir une meilleure par­ti­ci­pa­tion des membres du CPAM et à élar­gir la concer­ta­tion à l’ensemble des caté­go­ries de publics concer­nés, y com­pris celles qui ne sont pas pré­sentes dans le sec­teur de pro­mo­tion de la santé sexuelle.

Les démarches par­ti­ci­pa­tives et la néces­si­té d’une pla­ni­fi­ca­tion réa­liste : 

En tant que pro­ces­sus de concep­tion d’un futur dési­ré et des moyens d’y par­ve­nir (Ackoff, R.L., 1970), la pla­ni­fi­ca­tion d’un pro­jet est effi­cace lorsqu’elle est por­tée par les per­sonnes concer­nées. La concer­ta­tion de ces acteur·rices est donc indis­pen­sable afin d’identifier les actions et res­sources néces­saires pour atteindre les objec­tifs déter­mi­nés. Il ne s’agit plus de pro­po­ser la meilleure solu­tion d’un point de vue tech­nique (…) mais de construire un pro­jet qui satis­fasse au mieux toutes les par­ties pre­nantes (Dionnet et al, 2017). 

La phase de pla­ni­fi­ca­tion des Stratégies concer­tées per­met d’aboutir à l’identification des besoins et des acti­vi­tés per­ti­nentes. La prio­ri­sa­tion des actions est faite selon des cri­tères pré­cis : impor­tance du pro­blème, impact sur la santé, vul­né­ra­bi­li­té du pro­blème. Ces points d’attentions per­mettent en effet d’aboutir à une pla­ni­fi­ca­tion réa­liste, dont les objec­tifs sont plu­tôt clairs et atteignables. 

La construction d’un plaidoyer autour des besoins identifiés

La remon­tée et la dif­fu­sion des constats de ter­rain sont impor­tantes dans le pro­ces­sus de concer­ta­tion du CPAM. Le but ultime des stra­té­gies concer­tées est en effet de convier les res­pon­sables poli­tiques et ins­ti­tu­tion­nels à hono­rer leurs enga­ge­ments en matière de santé. Il s’agit pour les acteur·rices de pré­ven­tion IST/VIH/VHC de sol­li­ci­ter et obte­nir le sou­tien (finan­cier et ins­ti­tu­tion­nel) des actions iden­ti­fiées au cours de chaque cycle de concer­ta­tion. Cette recon­nais­sance des Cadres de réfé­rences comme ins­tru­ment de poli­tique publique est néces­saire afin que les pro­po­si­tions for­mu­lées soient inté­grées aux plans locaux et natio­naux de pro­mo­tion de santé. Enfin, une note stra­té­gique est éla­bo­rée dans ce cadre et sert de base au plai­doyer des Stratégies Concertées. 

Le suivi et l’évaluation

Le suivi de ce pro­jet de concer­ta­tion est assu­ré par le CPAM qui se réunit au moins une fois par tri­mestre pour ana­ly­ser les don­nées pro­duites et for­mu­ler des pro­po­si­tions d’amélioration. Une éva­lua­tion par­ti­ci­pa­tive est pré­vue à la fin de chaque cycle de concer­ta­tion. Elle per­met­tra d’analyser le niveau de cou­ver­ture, de par­ti­ci­pa­tion des par­ties pre­nantes ainsi que la per­ti­nence de l’action.

Les principales étapes du processus

La mise en œuvre des stra­té­gies concer­tées se déroule en huit grands moments :

  • Étape 1 : iden­ti­fi­ca­tion des besoins trans­ver­saux => Thématiques prioritaires
  • Étape 2 : iden­ti­fi­ca­tion de nou­veaux acteurs et élar­gis­se­ment du réseau des Stratégies concer­tées => car­to­gra­phie par­ti­ci­pa­tive des ins­ti­tu­tions inves­ties dans la pré­ven­tion des IST, du VIH et du VHC
  • Étape 3 : revue biblio­gra­phique => syn­thèses bibliographiques
  • Étape 4 : pro­duc­tion et ana­lyse des don­nées => réa­li­sa­tion d’un état des lieux
  • Étape 5 : ate­lier diag­nos­tic => ate­lier par­ti­ci­pa­tif réunis­sant chercheur·ses et professionnel·les qui met en dis­cus­sion les constats de ter­rain, puis dégage les recom­man­da­tions et pistes de plai­doyer pertinentes 
  • Étape 6 : éta­blir une pla­ni­fi­ca­tion réa­liste => réfé­ren­tiel com­mun d’activités per­ti­nentes et prioritaires
  • Étape 7 : construc­tion d’un plai­doyer col­lec­tif => porté par une asso­cia­tion membre ou un groupe de tra­vail, le plai­doyer est construit sur base des don­nées pro­duites lors du diag­nos­tic et de l’analyse bibliographique 
  • Étape 8 : suivi de la mise en œuvre et éva­lua­tion => per­met d’ajuster les actions et d’offrir une vue d’ensemble sur la qua­li­té du processus

Ces dif­fé­rentes étapes sont réa­li­sées sur deux ans :

La pre­mière année, celle du diag­nos­tic com­prends les étapes 1 à 5, avec comme délivrables :

  • Rapports diag­nos­tic
  • Synthèse lit­té­ra­ture
  • Compte rendu ate­lier diagnostic
  • Brochures, argu­men­taire pour plaidoyer 

L’année 2 concerne la pla­ni­fi­ca­tion et le suivi de la mise en œuvre. Les élé­ments atten­dus à l’issue de ce pro­ces­sus sont :

  • Compte rendu ate­lier planification
  • Cadre de référence
  • Rapports des comi­tés de suivis
  • Publication d’articles grand public et scientifiques

Notes :

  1. Charte d’Ottawa pour la pro­mo­tion de la santé, 1986
  2. La « Stratégie glo­bale de la santé pour tous d’ici l’an 2000 » est un Plan de l’OMS qui ambi­tion­nait de favo­ri­ser l’accès à toutes et tous aux soins de santé pri­maires. Les objec­tifs de déve­lop­pe­ment durable de l’agenda 2030 (ODD), intègrent la santé comme objec­tif uni­ver­sel : per­mettre une vie en bonne santé et favo­ri­ser le bien-être de tou·tes, à tous les âges.